"Le moment du déclenchement"
Photographier, c’est prendre de façon instantanée une portion choisie de ce que l’on perçoit comme étant le réel pour en faire une image et tenter de lui donner du sens. C’est une action volontaire et consciente du photographe. L’artiste ne « prend » pas la photographie, il la construit, il la fait, il la choisit.
La façon de voir, de recevoir, de regarder et d’interpréter l’image photographique dépend étroitement des infiniment multiples options et intentions potentielles du photographe.
Le « ici-et-maintenant » conditionne toute photographie : c’est ce qui est saisi au moment et à l’endroit précis du déclic. C’est le prélude à toute image photographique.
La photo est la trace localisée d’un instant. Le moment du déclenchement de l’obturateur est un point unique dans le déroulement du temps. Cet instant précis est ainsi choisi et saisi au vol par le photographe.
Avec le moment du déclenchement, le photographe saisi la réalité à sa manière. Confirmant ce que Kant écrivait à propos de celle-ci, le photographe n’en saisit que sa propre vision subjective et personnelle. Comme nous le faisons tous. Ainsi, le photographe met en pratique la philosophie de Kant sans le savoir.
Le choix de ce moment dépend étroitement, pour le photographe d’art, de la qualité du temps passé à intérioriser un désir, à ouvrir son cœur , à tendre et à se rapprocher de son idéal esthétique, de ce qui est beau et émouvant à ses yeux.
La vie se passe maintenant, dans l’instant. Avant, ce moment n’était pas, après, il n’est plus. Vivre intensément l’instant entr’ouvre pour le photographe une voie de sagesse. Permettant la perception d’un bonheur d’être, surtout, et d’avoir, éventuellement. La photographie permet aussi de revivre, par le témoignage qu’elle incarne, la trace et le souvenir émouvant d’instants précieux et fugitifs.
Ce moment spécifique du déclenchement est souvent appelé « l’instant décisif » expression attribuée à Henri Cartier-Bresson. Qui établissait une analogie avec le moment spécifique du déclenchement du tir à la chasse.
Le moment du déclenchement peut être source d’adrénaline pour l’artiste photographe. Parce que l’enregistrement de l’image non développée constitue une promesse. Qui sera révélée par la post-production et le tirage de l’épreuve finale.
La qualité du résultat dépendra de la pertinence, de la chance et des connaissances dans les facteurs techniques de la prise de vue et du développement. Mais aussi d’une grande capacité mentale à la prévisualisation. Avec une éducation et une sensibilité esthétique entraînée et aboutie.
Toutes ces raisons et ces réflexions seraient déterminantes pour bénéficier du juste choix de ce « moment du déclenchement ». Pour tenter d’aboutir à une œuvre d’art photographique.« À propos des photographies exposées. Et de la poégraphie … »
Photographier, c’est prendre de façon instantanée une portion choisie du réel pour en faire une image et tenter de lui donner du sens. C’est une action volontaire et consciente du photographe. L’artiste ne « prend » pas la photographie, il la construit, il la fait.
La façon de voir, de recevoir, de regarder et d’interpréter l’image photographique dépend étroitement des multiples options potentielles du photographe.
Dans ce champ des possibles, volontairement mais naturellement, j’ai été amené à restreindre mes captures d’images et mes choix et à ceux susceptibles de provoquer émotions et questionnements.
Ces émotions choisies sont d’abord de nature esthétique: ces photos façonnées et structurées tendent à procurer un réjouissant sentiment de beauté et d’harmonie, propice à un écho poétique intérieur. La photographie est alors en capacité de déclencher du plaisir : en la regardant, en se laissant aller dans le paisible cheminement de rêverie qu’en soi elle induit. Initié par les choix du photographe. Ainsi, l’objet de la « Poégraphie » est la perception et la lecture poétiques de l’image photographique, conditionnées par le fait de la regarder et de la recevoir.
Ces questionnements portent essentiellement sur l’éphémérité des êtres vivants dont l’homme se prétend fréquemment l’aboutissement. D’où les photographies de traces abandonnées par certaines de nos activités. Ces images peuvent alors questionner sur la futilité de l’agitation et de la modernité, tout cela trop souvent dans la pauvreté de la réflexion et en l’absence de relativisation, de mise en perspective par rapport à l’essentiel.
Quelques sujets directeurs conduisent ce travail photographique, tels la finitude et le vertige de la beauté induits par ce qui est simple, dépouillé, nu. En particulier certaines portions de paysages. Une évocation du temps d’avant ou d’après, peut-être. Avec quelquefois une attirance orientaliste dans un cheminement de réflexion, de déréalisation et de déambulation allégorique. Une éventuelle voie vers une méditation paisible, un rêve éveillé, un détachement serein du réel, une forme d’envol et de libération mentale …
Dans la ligne de mes choix sur la façon de représenter une partie du réel, j’ai été interpellé par les portes et fenêtres, les « huis ». Ce sont en effet des cadrages architecturaux définis par l’homme, pouvant donner à voir vers l’extérieur ou vers l’intérieur. Parfois, même aux deux simultanément, telle cette fenêtre andalouse exposée, prise depuis la cour, montrant à la fois un luminaire intérieur et les reflets des structures externes environnantes…
Les photographies de coqs combattant dans un « pitt » en Guadeloupe, bien que laissant percevoir la violence voulue et déclenchée par l’homme - dont ces volatiles constituent une analogie, un reflet - peuvent faire penser au « fandango », précurseur du flamenco à deux. Où la livrée colorée tourbillonne dans le staccato des talons ferrés du partenaire-adversaire bondissant. Posons-nous ici la question de la frontière tenue entre la beauté ineffable et la violence exquise …
Sur une image, les traits, les lignes et leurs assemblages peuvent parfois être menaçants ou apaisants. Ces artifices hypnotiques conduisent le regard et orientent la lecture du tirage. Tout comme en peinture, la perspective, qu’elle soit linéaire ou aérienne, suggère une géométrie virtuelle, sensible et bien présente. Cela soutient l’attention du spectateur tout en laissant libre sa plage d’émotions.
Ces quelques réflexions ont mené à présenter les quatre séries de photographies exposées au sein du « Quatorze », lieu caennais d’évènements artistiques (Octobre 2016). Les « Pitt à coqs » y côtoient les « Poégraphies », les « Huis » et les « Traits ».
Ceci grâce à la présence toujours encourageante et stimulante de Françoise, mon épouse. C’est elle qui m’a incité à créer et à exprimer par l’image photographique. Puis à oser exposer, c’est à dire s’exposer. Artiste-artisan peintre, son œil critique a été et reste à la fois objectif et bienveillant, mais sans concession pour l’à peu près.
Afin de tendre vers une image imprimée aussi accomplie que possible, toute la chaine de production, depuis le choix précis du matériel jusqu’au tirage final sont pesés, testés et réfléchis. L’intervention des logiciels est limitée au développement et au recadrage des images brutes. Qui sont ensuite tirées autant que possible selon les critères d’exigence professionnelle de la Digigraphie, sur des papiers de qualité « Musée » et « Beaux-Arts ».
Certains tirages sont proposés sur un rare et luxueux papier japonais, fabriqué selon des méthodes traditionnelles, feuille par feuille. Chacune est unique, constituant déjà en soi une œuvre artisanale et originale du papetier.
Durant ces dernières années, un travail photographique intensif a été centré sur les terrains de golf, tant pour le Comité Régional de Tourisme de Normandie que pour une société exploitant de nombreuses structures golfiques en France. Beauté et harmonie aménagées qui peuvent rappeler la perfection dépouillée de jardins japonais ou anglais.
Un travail artistique essentiel sur la mangrove, source d’inspiration esthétique et poétique sans limite, a aussi été privilégié ces dernières années, tout en nourrissant les moustiques à la tombée des jours sur les lagunes de mon autre pays, la Guadeloupe.
Un projet est en cours d’élaboration, pour une exposition prochaine en Italie du Nord. Puis, de nouveau en Guadeloupe, en 2017. Et d’autres, en gestation …